2 . PHYSIOLOGIE DES DENTS TEMPORAIRES ET DEFINITIVES

Le rôle que joue la denture temporaire dans le développement de l’enfant (crânio-facial, corporel et relationnel) doit exhorter le praticien, et a fortiori le pédodontiste, au maintien des dents déciduales sur l’arcade jusqu’à leur date d’exfoliation normale, suivie de leur remplacement par les dents définitives.
Cet objectif ne peut être atteint que par des traitements préventifs et conservateurs appropriés dictés par une connaissance parfaite de l’embryo-physiologie de la dent temporaire considérée
à tort et pendant longtemps comme un « sous-organe » de la dent définitive.

2.1.MORPHOGENESE DES DENTS TEMPORAIRES

2.1.1. Vie prénatale des dents temporaires

Les dents se forment à partir d’un bourgeon dentaire individuel qui a une double origine : la lame dentaire, dérivée de l’épithélium buccal et le mésenchyme avoisinant (ectomésenchyme).
Chez l’embryon humain à la 8
ème semaine, la cavité buccale est tapissée d’un épithélium recouvrant le mésenchyme (tissu conjonctif embryonnaire).
Sous l’action inductrice du mésenchyme, des proliférations localisées des cellules épithéliales vont se produire : c’est le début de la morphogenèse primaire.
L’épithélium buccal subit un épaississement et formera bientôt des bourrelets continus qui s’enfoncent dans le mésenchyme pour former « le mur plongeant » ou lame primitive. Ces bourrelets en forme de fer à cheval sont les futures arcades dentaires.
Vers le 40
ème jour, le « mur plongeant » va se dédoubler pour donner la lame vestibulaire et la lame dentaire qui s’infléchit en direction linguale.
De la lame vestibulaire naîtra le sillon vestibulaire : c’est l’amorce de la formation du vestibule buccal.
A partir de la lame dentaire, dans chaque futur maxillaire s’individualisent dix épaississements épithéliaux localisés coiffés par des regroupements de cellules mésenchymateuses : ce sont les bourgeons des dents temporaires. Ils vont s’accroître rapidement et auront tendance à s’isoler de la lame dentaire qui leur a donné naissance.


A la 7-8ème semaine, nous serons en présence des bourgeons des incisives, des canines. Quant aux bourgeons des dents temporaires pluricuspidées, ils apparaissent à peu près en même temps sur les deux lames : pour la première molaire 8-9ème semaine, pour la seconde, un peu plus tardivement (10-11ème semaine).
Toujours postérieurement, nous aurons le bourgeon de la première molaire définitive vers le 4
ème mois in utero. Enfin, vers 1 an et 5 ans après la naissance, ceux des 2èmes et 3èmes molaires définitives.
Chacun des bourgeons va s’enfoncer dans le mésenchyme odontogène qui prolifère activement de sorte que le germe dentaire sera bientôt constitué par deux éléments : la partie épithéliale et la partie mésenchymateuse. Le bourgeon prend alors la forme d’une cupule.
On peut alors constater un ensemble épithélial, une papille et une enveloppe mésenchymateuse, un sac folliculaire.
La dépression cupuliforme du bourgeon (10
ème semaine) va aller en s’accentuant jusqu’au 3ème ou 4ème mois. Pendant toute cette période, les germes sont au stade de « cloche dentaire » ; le bourgeon se transforme alors en organe de l’émail. L’histogenèse de l’émail se précise avec la mise en place de 4 couches cellulaires :

- L’épithélium adamantin externe,
- Le réticulum étoilé (gelée de l’émail),
- Le stratum intermedium,
- L’épithélium adamantin interne.



2.1.2. Vie post-natale des dents temporaires :

Nous proposons dans ce paragraphe un certain nombre de données ; ces dernières ont été volontairement simplifiées dans un but didactique.
Se rappeler cependant que :

- Les âges indiqués sont susceptibles de subir des variations dans les limites de physiologie normale, soit plus ou moins six mois pour les dents temporaires,
- L’éruption des dents mandibulaires précède toujours celle des dents maxillaires ;
- L’éruption des dents homologues n’est pas toujours synchrone ;
- Le sexe, la race, la nutrition, le climat, la pathologie interfèrent également.


L’éruption, pour l’ensemble des dents temporaires, se situe entre l’âge de 6 mois et 2 ans et demi, soit une poussée dentaire par semestre.
A la naissance, tous les germes temporaires sont présents au sein des bases osseuses.
La dent temporaire a une durée de vie déterminée dans le temps. Son existence fonctionnelle passe par trois stades physiologiques post éruptifs :

Stade 1 : C’est une phase de croissance qui dure de l’éruption à l’édification complète des racines (un an et demi environ). A ce stade, la pulpe est à son maximum de potentiel réparateur et dentinogène.


Stade 2 : C’est une phase de stabilité qui dure de l’édification complète des racines à la résorption radiologiquement décelable. Sur une radiographie, la fin du stade 2 correspond à la disparition de la moitié apicale de la racine (trois ans environ). Les réactions de la pulpe sont comparables à celle de la denture définitive. Néanmoins, la pulpe se caractérise par une susceptibilité particulière à l’inflammation sur un mode dégénératif.


Stade 3 : C’est une phase de résorption qui dure de la résorption radiologiquement décelable à la chute précédant l’éruption de la dent définitive (trois à quatre ans environ). Au cours de cette phase, la dent et le parodonte subissent d’importantes modifications relatives à la migration apicale de l’attache épithéliale, aux canaux pulpo-parodontaux, à la porosité du plancher pulpaire.



2.2. NECESSITE DE LA CADUCITE DES DENTS TEMPORAIRES

L’existence de la dent temporaire est éphémère et régie par cinq phénomènes génétiquement programmés :

- Organes trop petits pour une arcade croissante et mal adaptée à l’évolution de la fonction manducatrice,
- Ephémérité liée à la présence de la dent de remplacement et assurée par la résorption (ostéoclastes) dentinaire, cémentaire et osseuse,
- Brève période de maturation (un an et demi),
- Rhizalyse coïncidant avec la fin de la formation de la couronne de la dent définitive,
- Sénescence pulpaire liée à la résorption.



2.3. PARTICULARITES DES DENTS TEMPORAIRES


2.3.1. Morphologie

La couronne est globuleuse avec un étranglement cervical. Cette anatomie particulière favorise l’apparition de lésions septales interdentaires, de lésions carieuses proximales et complique la prise au davier lors de l’extraction. Ces dents étant plus fragiles, une butée de fermeture des mors est préférable (daviers pédodontiques spécifiques).
Les sillons de la face occlusale sont très marqués au niveau des molaires lors de leur éruption, c’est-à-dire lors de l’installation de la flore buccale (physiologique et pathologique), puis les surfaces s’abrasent par la suite.
Les racines sont effilées, en pinces sur les molaires, ce qui occasionne fréquemment des fractures lors des avulsions.

2.3.2. Histo-anatomie

L’EMAIL :

- L’épaisseur d’émail est moindre sur une dent temporaire que sur une dent définitive et en particulier, au niveau du 1/3 cervical des faces proximales. A cet endroit, une usure s’effectue favorisant l’apparition de caries jumelles.
- Il existe 2 types d’émail : l’émail pré-natal (mieux minéralisé) séparé de l’émail post-natal par la ligne d’Orban ; l’émail post-natal est prépondérant dans la 2° molaire.
- Les prismes d’émail sont perpendiculaires au niveau de la face occlusale et orientés de bas en haut au niveau proximal ce qui entraîne une destruction de pans entiers en cas de carie. De plus, ces prismes ont une mauvaise coalescence.


LA DENTINE :
Son épaisseur est moindre que celle des dents définitives sauf au niveau des faces occlusales.
Le diamètre des tubuli important favorise la pénétration bactérienne.


LA PULPE :

La pulpe est volumineuse puisqu’elle occupe le 1/8° de l’espace coronaire (pulpe permanente 1/27°) et ses cornes sont très saillantes. Le volume de la pulpe et sa configuration expliquent la fréquence des atteintes pulpaires lors de lésions carieuses proximales en denture temporaire.

LE CEMENT :
Le cément est peu épais et poreux.
Le plancher de la chambre camérale est mince et traversé par des canaux pulpo-parodontaux.
Les espaces interglobulaires de CZERMAK, sortes de lacunes cémentaires, augmentent la porosité des structures et donc la rapidité de diffusion de l’infection dans les structures périphériques.

Des contraintes anatomiques et physiologiques découlent les formes cliniques et par là-même, les thérapeutiques.



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