2. LE RISQUE CARIEUX
2.1. METHODES D’EVALUATION DU RISQUE CARIEUX
Le processus d’évaluation doit conduire à un
diagnostic personnalisé mettant en évidence non seulement
le degré de l’atteinte mais aussi le ou les
facteur(s) plus particulièrement virulent(s) chez cet
enfant. Notre but est de cibler le ou les facteur(s)
responsable(s) de la maladie carieuse et de parvenir à
modifier le milieu afin qu’ils ne puissent plus
s’exprimer.
2.1.1.
Interrogatoire
Il est
indispensable avant tout examen clinique et doit permettre
de connaître l’histoire médicale du patient.
Outre les antécédents personnels et médicaux,
l’interrogatoire porte également sur l’hygiène,
l’alimentation, la motivation de l’enfant et
des parents.
2.1.2. Examen
clinique
• Estimation de
la prévalence et de l’incidence
carieuse : détermination
et
justification du
C.A.O. (ancienneté des lésions, des obturations, causes des
extractions…).
• Recherche des
facteurs aggravants
les défauts dentaires
acquis : abrasion due à un brossage inadapté, zones
d’érosion (vomissements des
anorexiques……)
les anomalies de la dentine et de l’émail
les obturations débordantes
l’existence d’une respiration buccale
les dysfonctionnements salivaires.
• Analyse
alimentaire : L’analyse des habitudes
alimentaires de l’enfant peut être effectuée à
l’aide d’un journal alimentaire complété
pendant un jour de semaine et un jour de week-end. Ce
document permet d’analyser le profil alimentaire du
patient : équilibre des éléments essentiels, apport en
aliments sucrés (type, quantité, fréquence
d’absorption.…)
• Evaluation de
l’hygiène bucco-dentaire :
Contrôle
de la plaque dentaire et gingivale, facteur
pathogène essentiel : Si son épaisseur est
inférieure à 1 /10ème de mm (environ 50 couches de
bactéries), la plaque est invisible en lumière ambiante,
sans artifice. La mise en évidence de la plaque nécessite
une « révélation » au moyen d’un colorant
adéquat. Les plus utilisés sont la fluorescéine (qui ne
colore que la plaque dentaire et nécessite une lumière UV)
ou l’érythrosine (qui colore aussi la plaque des
tissus mous mais offre un bon contraste en lumière
ambiante). Après révélation, ces surfaces recouvertes de
plaque sont identifiées sur une fiche
d’enregistrement qui permet au praticien
d’évaluer et de corriger progressivement les
techniques d’hygiène bucco-dentaire du patient. La
révélation de plaque constitue un facteur de motivation
important.
Contrôle
de l’inflammation gingivale :
La reconnaissance
des signes inflammatoires doit également être effectuée
régulièrement à l’aide d’un sondage gingival.
L’appréciation du degré d’inflammation se fait
idéalement à partir de la moyenne des mesures effectuées au
niveau des six points caractéristiques : 2 mésiaux, 2
distaux, 1 vestibulaire et 1 lingual ou palatin.
L’évaluation se fait : sur 6 dents
représentatives de la cavité buccale pour une évaluation de
routine, sur chaque dent s’il existe un problème
parodontal important.
Facteurs
salivaires : La salive joue un rôle
primordial dans la formation de plaque bactérienne, la
minéralisation de l’émail, la neutralisation des
acides. Une estimation du débit salivaire peut être faite
lors de l’investigation clinique (exemple :
une diminution du débit salivaire entraîne une bouche
sèche, une irritation des surfaces muqueuses et des
douleurs buccales.) Cependant, les symptômes subjectifs et
les volumes salivaires ne correspondent pas toujours. Il
est donc nécessaire de réaliser des tests par des
prélèvements salivaires dans certains cas. (cf examens
salivaires)
2.1.3.
Examens complémentaires
• Examens
radiologiques : Ils sont indispensables pour
parfaire la détection des lésions carieuses, des récidives
et des foyers infectieux. Pour cela, différents clichés
radiographiques sont disponibles:
rétro-alvéolaires :
lorsqu’il y a implication pulpaire,
rétro-coronaires ou bite-wings : pour détecter les
lésions carieuses proximales,
panoramique : pour dépister certaines lésions.
• Examens
bactériologiques : Ils ont pour but de mettre en
évidence, de sélectionner et de numéroter les bactéries
pathogènes de la plaque afin de définir leur rôle précis
dans l’apparition des caries chez un individu. Deux
types de tests sont généralement utilisés et reposent
soit sur :
la quantification des
Streptococcus
mutans (S.M) salivaires : ce sont
les bactéries les plus cariogènes (responsables de
l’initialisation de la carie dentaire), grâce au test
Dentocult S.M. (Vivadent).
la quantification des Lactobacilles : ces bactéries
colonisent les cavités créées par les S.M et sont
responsables de la progression de la carie. Elles
produisent des acides qui diminuent fortement le pH
salivaire et reflètent la consommation d’aliments
sucrés. Le test utilisé est le test Dentocult L.B.
(Vivadent).
Ces tests doivent être utilisés chaque fois que des
informations supplémentaires sont nécessaires quant à
l’importance des facteurs bactériologiques. Cette
situation peut se présenter à diverses occasions :
pour
clarifier les raisons d’une maladie carieuse évoluant
sans régression,
lors des visites de suivi pour apprécier les effets du
traitement et pour guider le traitement,
lors de visites de rappel ou de contrôle, pour prédire le
développement de la maladie carieuse,
pour permettre la surveillance de la maladie carieuse.
Le principe général de ces
tests consiste à mettre en présence un prélèvement de
salive avec un réactif ou un milieu de culture spécifique.
Ces tests sont de bons indicateurs de la
cario-susceptibilité du patient.
• Examens
salivaires : La salive joue un rôle majeur
dans la protection de la carie dentaire : nettoyage
mécanique des surfaces, reminéralisation des lésions
débutantes, régulation du pH, pouvoir antimicrobien. Toute
déficience salivaire entraîne une susceptibilité accrue
vis-à-vis de la carie. Les tests salivaires permettent
d’évaluer la cario-susceptibilité de l’enfant
et d’établir une surveillance.
Mesure
du débit salivaire : réalisée sans
stimulation, l’enfant est assis et au fur et à mesure
que la salive est sécrétée, l’enfant est invité à
cracher dans un verre gradué. Lorsque le débit salivaire
est inférieur à 1ml/min : il existe une déficience
salivaire dont on devra trouver la cause. Une surveillance
vigilante et des mesures préventives s’imposent.
Mesure
du pH et du pouvoir tampon : les bactéries buccales
dégradent les sucres alimentaires en acides (notamment
lactique) qui abaissent le pH. Lorsque celui-ci descend en
dessous du seuil critique de 5,5, on observe une
déminéralisation de l’émail. Normalement, cette
baisse de pH doit être rapidement compensée grâce au
pouvoir tampon de la salive.
2.2.
DETERMINATION DU RISQUE CARIEUX DE
L’ENFANT
• C’est seulement
après avoir pratiqué l’ensemble des examens du
diagnostic que le praticien peut se faire une idée du
« profil carieux de l’enfant ».
• Ceci est alors la base d’un protocole ciblé,
visant à faire régresser les facteurs favorables à
l’apparition des caries dentaires et également à
renforcer les capacités de résistance face au même
processus.
• Un niveau de risque élevé pour un des facteurs
d’apparition de la carie ne suffit pas à
l’initialisation d’une lésion carieuse. Il faut
tenir compte de tous les facteurs qui jouent un rôle dans
l’apparition des lésions carieuses.
2.2.1. Risque
carieux élevé
Le
risque carieux est considéré élevé lorsque des situations à
risque sont déterminées lors de l’examen :
accumulation de plaque
bactérienne,
grande proportion de bactéries cariogènes,
régime alimentaire riche en sucres, grignotages fréquents,
débit salivaire réduit, capacité réduite du pouvoir tampon
salivaire,
absence de prises fluorées.
La coexistence de plusieurs situations à risque augmente le
risque d’apparition du processus carieux.
Lorsque le risque est élevé, on peut considérer
l’existence de deux situations possibles :
• risque
carieux élevé et présence de lésions carieuses :
Les facteurs de risque sont
supérieurs aux facteurs de résistance de la dent.
Il est nécessaire de mettre en œuvre des
thérapeutiques adaptées.
risque
carieux élevé mais pas de lésions
carieuses :
Il
est possible que les facteurs de risque soient apparus
récemment et que les lésions n’aient pas eu le temps
de se former. Par contre, il semble que si les facteurs de
risque sont présents depuis longtemps, cela signifierait
que la dent est suffisamment résistante pour ne pas être
atteinte par le processus carieux. Il faut donc informer le
patient de la situation et lui proposer un nombre
d’actions ciblées limitées pour diminuer les facteurs
de risque et renforcer la dent.
2.2.2. Risque
carieux faible
Le
risque carieux est considéré comme faible lorsque
l’examen clinique ne permet pas la mise en évidence
de situations à risque. C’est le cas lors des
situations suivantes :
peu de
plaque dentaire,
faible proportion de bactéries cariogènes,
faible quantité d’absorption de sucres à une
fréquence peu élevée,
débit salivaire optimal, bonne capacité du pouvoir tampon
salivaire,
utilisation de fluor.
Généralement, on observe une quasi-absence de lésions, mais
la présence de caries peut illustrer une ancienne activité
carieuse. Il faudra alors veiller à ce que les facteurs
d’apparition de la carie ne redeviennent pas actifs.
Pour cela, la résistance de la dent doit être augmentée.