2. LES TRAITEMENTS
2.1.
LE COIFFAGE PULPAIRE DIRECT
Définition :
Cette thérapeutique fait appel
à une réaction de défense et à une néoformation dentinaire
ayant pour but de colmater la brèche dentinaire.
Bien que l’on puisse penser que la dent temporaire
possède des structures dentino-pulpaires capables de
néoformation, il faut garder à l’esprit la rapidité
de progression du processus inflammatoire.
Indications :
Rares.
Au stade 1, lorsque l’ouverture pulpaire est
traumatique ou iatrogène.
Contre-indications :
Atteintes pulpaires des dents
temporaires aux stades 2 et 3
Liées à l’état général
Suivi impossible
Isolation impossible du champ opératoire
Matériel et méthodes :
- Matériau :
l’hydroxyde de calcium est le plus indiqué pour
susciter la réponse dentino-pulpaire en raison de ses
propriétés antiseptiques (pH alcalin surtout si le produit
est préparé extemporanément) et de ses propriétés
dentinogènes.
- Méthode : Anesthésie.
Radiographie.
Isolation du champ opératoire.
Mise en place immédiate de l’hydroxyde de calcium.
Obturation provisoire avec un
matériau à base d’oxyde de zinc-eugénol, ou I.R.M,
C.V.I. etc….
Obturation définitive.
Surveillance clinique et radiologique.
Pronostic:
- Il est peu favorable au
niveau de la dent temporaire.
- Il faut éviter la compression.
- L’évolution vers la nécrose pulpaire et ses
complications est toujours à craindre.
- A ce jour, le coiffage pulpaire direct reste une
thérapeutique
d’exception pour des lésions carieuses ou
traumatiques en denture temporaire.
2.2 LE
COIFFAGE PULPAIRE INDIRECT
Définition :
Il
consiste à provoquer un processus de réparation qui est une
« cicatrisation dentinaire », tout en conservant
l’intégrité pulpaire. En effet, la vitalité pulpaire
est indispensable pour obtenir cette réaction réparatrice.
Indications :
Ce traitement peut être tenté
au niveau des dents temporaires vitales dont la
restauration durable peut être envisagée.
Contre-indications :
Elles sont liées au doute
concernant la vitalité pulpaire.
Matériel et méthodes :
Interposition d’un
matériau favorisant la cicatrisation dentinaire : IRM
si amalgame, CVI si composite
Pronostic :
L’évolution vers la
nécrose pulpaire, la plupart du temps asymptomatique, sera
inévitable ce qui rend sa pratique exceptionnelle
(certitude de la vitalité, parfaite herméticité de
l’obturation…)
2.3.
TRAITEMENTS ENDODONTIQUES
¬ LA
PULPOTOMIE
Définition :
Elle consiste en une ablation
totale de la pulpe camérale, suivie de l’apposition à
l’entrée des canaux pulpaires d’un matériau qui
peut avoir 2 buts différents :
Soit
favoriser la cicatrisation au niveau de l’amputation,
en conservant la vitalité de la pulpe radiculaire. On parle
alors de pulpotomie
vitale. Elle
est pratiquée sur les dents temporaires lors d’une
effraction pulpaire ou sur les dents définitives immatures
lors d’un traumatisme ou d’une lésion carieuse
trop importante.
Soit provoquer la fixation des tissus sous-jacents et
s’opposer à une propagation de l’inflammation
vers la pulpe radiculaire et le périapex. Il s’agit
alors d’une pulpotomie
mortale.
Pour
la dent temporaire, le choix se porte souvent vers la
deuxième méthode tant la conservation de la vitalité semble
aléatoire dans les cas d’implication pulpaire. En
effet, il est difficile de stériliser le réseau canalaire.
Indications :
Toute effraction pulpaire, en
l’absence de pathologie pulpaire, au stade 2 et 3.
Elle est souvent pratiquée sur les molaires
temporaires de façon
préventive en particulier au stade 1 en
raison de l’immaturité apicale. En effet, lors du
traitement d’une lésion carieuse de classe II, la
proximité pulpaire est telle que :
Le
risque d’effracter une corne pulpaire est très grand.
Les
bactéries sont déjà dans la pulpe alors que cliniquement la
lésion carieuse n’est pas pénétrante. De plus, le
cheminement des bactéries est facilité par la largeur
importante des tubuli dentinaires.
Il
est donc impossible de connaître de façon exacte le statut
pulpaire.
Plutôt que de tenter un
coiffage indirect ou direct, souvent aléatoire, il est
préférable de pénétrer dans la pulpe et de pratiquer une
pulpotomie.
Contre-indications :
Pathologie systémique.
Toute
pathologie pulpaire antérieure.
Inflammation importante du parenchyme pulpaire.
Reconstitution coronaire impossible.
Le stade
physiologique :
Au
stade 1, la pulpotomie doit être vitale.
La pulpe présente à ce stade un grand potentiel de
régénération.
Aux stades 2 et 3, la pulpotomie est mortale.
Au stade 2, la pulpe supporte moins bien
l’inflammation. Au stade 3, il faut considérer la
dent comme ouverte sur son environnement.
Matériel et méthodes :
Matériau :
Si la
pulpotomie est vitale,
le produit de coiffage utilisé est l’hydroxyde
de calcium.
Il peut provoquer des résorptions internes. Cependant, au
stade 1, c’est le seul produit qui permette de
préserver la radiculogénèse.
Si la pulpotomie est mortale,
le produit de coiffage est une pâte à base
d’eugénate.
La glutaraldéhyde et le formocrésol ont été écartés en
raison de leur cytotoxicité.
- Méthode :
cf schéma
p.57
Anesthésie
locale
Radiographie
Isolation du champ opératoire
Ablation de toute la dentine cariée, avec une fraise boule
sur CA
Mise en forme de la cavité
Ouverture de la chambre pulpaire
Amputation de la pulpe camérale, avec une fraise boule
différente (stérile)
sur CA
Préparation des logettes à
l’entrée des canaux avec une petite fraise boule à
long fût. Leur rôle est d’achever la section franche
du parenchyme pulpaire et de servir de réservoir au produit
appliqué sur les moignons radiculaires.
Hémostase : Le temps de
saignement est de 2 à 3 minutes. Le sang doit être rouge
franc. Si le temps de saignement est augmenté et/ou si le
sang est plutôt brun et/ou s’il n’y a pas de
saignement, il faut envisager une pulpectomie ou un parage.
Etape
biologique : dépose du produit de
coiffage à l’aide d’un Lentulo coupé à vitesse
lente sur un CA bague verte.
Etape
d’herméticité : obturation de la
chambre pulpaire avec un eugénate à prise rapide ou un
oxyphosphate. Le produit utilisé permettra de supporter le
matériau de restauration.
Etape
fonctionnelle : reconstitution de la
dent (amalgame, couronne pédodontique préformée, composite
si pas d’eugénate précédemment).
¬ LA
PULPECTOMIE et LE PARAGE CANALAIRE
Définition :
Ils consistent en une
extirpation complète des filets radiculaires. C’est
la technique endodontique employée lors d’une
atteinte pulpaire complexe.
Ils sont plus difficiles à réaliser au niveau des dents
temporaires car :
La
morphologie canalaire peut être extrêmement variée.
La résorption physiologique modifie les structures
radiculaires dont les limites deviennent difficiles à
cerner.
Il est important de tenir compte du germe sous-jacent.
Indications :
Atteinte pulpaire au stade 2.
Au stade 2, dans les cas de nécrose pulpaire avec ou sans
pathologie parodontale.
Au stade 3, dans les cas de nécrose pulpaire sans
pathologie parodontale.
Contre-indications :
Au
stade 1, on tente une conservation pulpaire partielle.
Au stade 3, s’il n’y a pas de nécrose, la
pulpotomie est préférée en raison de l’anatomie
radiculaire.
Au stade 3, dans les cas de nécrose pulpaire avec
pathologie parodontale, l’extraction est préférée.
Matériel et méthodes :
o Anesthésie locale.
o Radiographie.
o Isolation du champ opératoire.
o Ablation de toute la dentine cariée.
o Ablation de la pulpe camérale puis radiculaire sous
irrigation au ClONa. Attention à la longueur de
travail : enlever 2 mm par rapport à
l’évaluation radiographique préopératoire.
L’alésage se fait jusqu’à 25.
o Séchage.
o Obturation radiculaire uniquement à l’eugénate.
Cette pâte se résorbe un peu moins vite que les racines,
mais la clinique démontre que les résultats sont fiables.
o Obturation de la chambre pulpaire avec un matériau à
prise rapide.
o Reconstitution.
NB :
Pour le parage
canalaire, une séance de médication temporaire est
indispensable : obturation antiseptique canalaire
provisoire au Ca(OH)2 ou à la pâte iodoformée.
2.4.
LE POINT SUR LES DIFFERENTS MATERIAUX
2.4.1. Les
pâtes antibiotiques
Beaucoup d’exemples
révèlent l’inefficacité de ces pâtes sur la réduction
de l’inflammation ou la stimulation de dépôt de tissu
dur.
Par ailleurs, pour certains auteurs, elles pourraient être
dangereuses car il pourrait se produire des réactions
hypersensibles.
2.4.2. La
pâte de Walkoff (pâte iodoformée)
Composition :
Iodoforme 60% + Chlorophénol 45%
Camphre 49% 40%
Menthol 6%
C’est
une pâte résorbable, non durcissante. Elle est donc
antiseptique, non irritante. Comme elle ne durcit pas, son
action désinfectante peut durer très longtemps.
Elle est très utilisée sur
dents nécrosées sans complication.
L’inconvénient majeur est sa grande vitesse de
résorption ; ceci devient un avantage en denture
temporaire car elle peut se résorber conjointement à la
rhizalyse.
Elle reste donc très utilisée en denture temporaire pour
les pulpectomies en stade 2 et pour les pulpotomies en
stade 3.
2.4.3. Les
pâtes corticostéroïdes
Leur emploi est déconseillé
car :
Il
n’y a pas de réduction prouvée de
l’inflammation.
La pulpe enflammée peut éventuellement se nécroser.
La formation de dentine tertiaire est inhibée.
2.4.4. Le
formocrésol
Le formol (antiseptique et
astringent) est combiné à un phénol. Ce produit est contre
indiqué car il est mutagène, il induit également des
résorptions radiculaires.
2.4.5. La
glutaraldéhyde : solution à 2%
Ce produit est plus actif et
moins volatil que le formocrésol ; il entraîne moins
de complications secondaires (calcifications, nécroses
…). Il est également faiblement cytotoxique.
La solution est appliquée seule au contact de la pulpe
pendant 5 mn, puis une goutte est incorporée à la pâte de
coiffage.
La glutaraldéhyde semble donc être une bonne
alternative : le succès clinique et les examens
histologiques semblent donc conclure à l’efficacité
de ce fixateur.
2.4.6.
L’ eugénate (ZOE)
C’est une méthode simple,
pratique, utilisée par de nombreux cliniciens.
Il est utilisé pour les pulpotomies et les obturations
canalaires des dents temporaires.
Il présente un pouvoir antiseptique : il prévient
l’invasion et la prolifération bactérienne.
Son utilisation reste cependant controversée pour certains
auteurs car il serait susceptible d’induire une
réaction inflammatoire chronique, une nécrose
ou des résorptions internes.
2.4.7.
L’hydroxyde de calcium :
Ca(OH)2
Il est
utilisé dans le cadre des pulpotomies vitales pour pallier
le formocrésol.
Au niveau histologique, il engendre une nécrose
différenciée en couches successives. Ces 5 couches de la
superficie vers la profondeur sont :
Zone
1 : zone de compression entre la pression du pansement
sous-jacent et de l’œdème de la couche
enflammée sous-jacente.
Zone 2 : œdème avec nécrose naissante et
liquéfaction.
Zone 3 : coagulation intra-vasculaire et nécrose avec
coagulation. Fibrose à partir de la 6ème heure.
Zone 4 : couche apparue plus tardivement, au-delà de
la 6ème heure. Infiltrat de
polynucléaires et de leucocytes.
Zone 5 : limite fibrillaire de la zone 4, qui
n’existe que temporairement.
On voit ensuite apparaître des fibres collagènes et se
constituer un pont dentinaire.
En
denture temporaire, malgré un grande rigueur opératoire, on
observe un taux élevé d’échecs (état inflammatoire
chronique, résorptions internes …). Il est donc
nécessaire d’être vigilant à certains facteurs :
Le
diagnostic : la pulpe doit être dénuée
d’inflammation.
L’élimination du caillot : l’absence de
caillot sanguin entre la pulpe et l’hydroxyde de
calcium est capitale pour obtenir une guérison.
2.4.8. Le
sulfate ferreux Fe2[SO4]3
Il est utilisé en chirurgie
endodontique et pour la rétraction gingivale lors des
prises d’empreintes. Il intervient en effet dans
l’hémostase et est en outre bactériostatique.
Des études sur ce produit, trop peu nombreuses, ont donné
d’excellents résultats.
Cependant il est nécessaire que de nouvelles études avec
des échantillons plus grands soient menées pour évaluer
l’effet sur le germe de la dent définitive, la
diffusion dans le tissu pulpaire.
2.4.9.
Méthodes expérimentales alternatives : des voies
d’avenir ?
2-4-9-1 Le MTA :
Mineral Trioxyde Aggregate
Ce
matériau a été introduit en 1995 ; il a été proposé
pour les coiffages pulpaires, les apexogénèses, les
apexifications et les réparations des perforations
endodontiques.
Il permet d’induire la guérison d’une pulpe
exposée avec formation d’un pont dentinaire.
Il permettrait d’obtenir d’excellents résultats
cliniques et radiologiques. Le taux de succès avec
l’utilisation du MTA serait significativement
supérieur à celui obtenu avec le formocrésol.
Cependant son coût en limite l’utilisation dans le
cadre d’une dentisterie conventionnée.
Certains auteurs ont proposé son utilisation en association
avec le laser à diode.
2-4-9-2 Le Laser
Le
laser permet une carbonisation et une dénaturation rapide
de la pulpe. De plus c’est un agent physique sans
effet pharmacologique.
Différents types de laser ont été utilisés :
le
laser à diode en association avec le MTA
le laser CO2 constituerait une alternative
intéressante au formocrésol
le laser Argon permettrait aussi d’obtenir de bons
résultats cliniques.
Ces résultats doivent cependant être nuancés : ils ont
été obtenus dans des conditions expérimentales très
strictes difficilement reproductibles en clinique ; de
plus, ces résultats ont fait l’objet d’un suivi
assez court (6 mois…). Enfin l’investissement
financier en réduit l’intérêt au quotidien…
2-4-9-3
L’Electrochirurgie : le bistouri électrique
Tout comme le laser, le
bistouri électrique permet la carbonisation et la
dénaturation rapide de la pulpe. Cette méthode n’a
pas fait l’objet d’études cliniques à long
terme.
Pour Dean, il n’y aurait pas de différence
significative entre le traitement par électrochirurgie et
celui par formocrésol.
Pour El-Melgy, les réactions histopathologiques pulpaires
seraient moins importantes qu’avec le formocrésol.
En somme ces méthodes, pour modernes qu’elles soient,
n’ont pas encore été validées : des études
longitudinales dans des conditions de réalisation
reproductibles en cabinet doivent être mises en œuvre
pour en évaluer l’efficacité.